Quand des Hommes d'Honneur rejoignent le Très haut

Leur départ de Jouarre avait été retardée à cause de la Duchesse qui n'avait point digéré ... Détour par la salle d'eau obligatoire afin que la jeune femme puisse se rafraîchir. Puis tout au long de la route, le carrosse avait du s'arrêter pour que la future mère prenne l'air. Voyage éprouvant pour la brunette plus du fait du pourquoi de ce voyage que de part sa grossesse. D'ailleurs elle se connaissait assez pour savoir que ces nausées soudaines n'étaient point dues à l'enfant qu'elle portait mais bien à l'angoisse dûe à cet enterrement. Elle adorait les églises mais point pour ce genre de cérémonie qu'elle redoutait énormément. Son époux était heureusement rentré ... elle ne serait donc point seule.

A leur arrivée à Bourmont, le coeur d'Ysa se serra. Quelques souvenirs ressurgirent et les larmes lui montèrent aux yeux. Larmes qu'elle sécha du dos de sa main. Elle ne pouvait pas déjà craquer, elle se devait d'être présente et forte pour ces deux hommes qui avaient été son exemple, et aussi pour sa Suzeraine et amie qui venaient de perdre deux hommes qui avaient plus que compté dans sa vie.

Aidée par Amory, la Duchesse descendit difficilement du carrosse, jambes tremblantes et teint blême. Afin de se redonner quelques couleurs, elle se gifla les joues avant de s'accrocher au bras de son époux. Entrée discrète dans la chapelle où la vassale chercha sa Suzeraine du regard. Elle la trouva rapidement tête baissée ... Elle aurait aimé s'assoir à ses côtés mais déjà Amory avait pris place. Elle le suivit donc mais lui chuchota de s'approcher. Il faut qu'on avance ... Je veux être à ses côtés. Le Duc compris et chercha donc une place plus en avant et s'y assit ne sachant exactement où s'assiérait leur Suzeraine.

Elle avait pris place à droite du deuxième cercueil, celui de l'ancien hérault. Elle cala sur son épaule le coin du cercueil, fit signe aux autres porteurs de se tenir prêts puis emboîta le pas à Klouska et Kelso. D'un pas résolument lent, ils entrèrent dans la nef jusqu'au choeur où ils déposèrent, avec solennité, les glorieuses dépouilles. L'émotion étreignait l'assemblée, elle était palpable...Hersent suivit le reste de la Mesnie pour rejoindre leur banc. Elle s'absorba dans le recueillement pour accompagner en pensée les âmes des deux disparus.

Parvenue à la chapelle, la vicomtesse s'y fraya un chemin jusqu'à l'autel. Depuis qu'elle estait devenue archidiacre et avait suivi de hautes études théologiques en compagnie de son espoux, la vicomtesse ne percevait plus la mort comme un drame devant nous plonger en une létargie poisseuse qui vous englue jusqu'à vous priver de l'envie de bouger, de vivre, de respirer. La mort est le chemin que tous nous prendrons un jour, afin de rejoindre le Très-Haut.

Avisant un prie-Dieu de libre au premier rang, Attigny s'y agenouilla prestement et mains jointes, teste baissée, elle se recueillit sans bruit.

Plus tard, elle irait faire ses urbanités aux visages connus, ceux qu'elle avait croisés alors qu'elle résidait en Champagne.

Beeky sortit de ses pensées et releva le chef afin de poser les yeux sur les deux bières qui lui faisaient face. Petite moue frémissante qui ne fut que la fugace expression d'une tristesse résignée qui envahissait la dame. Elle espérait, en effet, que ces deux sires se soient mis en régle avec le Très-Haut.

Puis, egrenant son chapelet consciencieusment, elle récita le Confiteor, à l'unisson de la petite assemblée.

Elle accompagna l'assemblée dans la récitation du Confiteor...une vague d'émotion faillit la submerger: l'atmopshère était au comble du recueillement, elle baissa la tête et récita, pour les âmes des disparus mais aussi pour trouver un réconfort dans les mots apaisants de la prière:

Je confesse à Dieu Tout Puissant, à tous les Saints,
Et à vous aussi mes Amis, parce que j’ai beaucoup péché,
En pensée, en parole, en action. Je supplie tous les Saints,
Et vous, mes Amis, de prier le Créateur pour moi.
Que le Très Haut nous accorde le pardon, l’absolution et
La rémission de tous nos péchés.
Amen

Poussières, nous retournerons à la poussière...l'humilité devant la mort portail d'une autre vie, la plongea dans une longue méditation, scandée par les mots du prélat.

Que le Très Haut lui pardonne, voila ce qu'il murmurait dans son coin. Le prévôt d'Airain était toujours caché sous son capuchon dans la maison du Très Haut et cela ne se faisait pas mais peu importe c'était mieux ainsi. L'arrivé des cercueils, il l'avait suivi d'un léger regard pour pas notamment qu'Hersent le reconnaisse car seul Kelso savait qu'il était là, c'est bien mieux ainsi même.

Enfin voila qu'il fallait récité le Confiteor.

Citation :

Je confesse à Dieu Tout Puissant, à tous les Saints,
Et à vous aussi mes Amis, parce que j’ai beaucoup péché,
En pensée, en parole, en action. Je supplie tous les Saints,
Et vous, mes Amis, de prier le Créateur pour moi.
Que le Très Haut nous accorde le pardon, l’absolution et
La rémission de tous nos péchés.
Amen.

Puis le Père Yut invita la vicomtesse Oksana à venir récité le crédo que Kevin récita à vois très basse dans son coin.

Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort,

Et en Aristote, son prophète,
Le fils de Nicomaque et de Phaetis,
Envoyé pour enseigner la sagesse
Et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.

Je crois en l'Action Divine,
En la Sainte Église Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible,
En la communion des Saints,
En la rémission des péchés,
En la Vie Éternelle.

AMEN

Pour tous ceux qui se sont rassemblés ici aujourd'hui, je sais qu'il est dur de voir la perte de membres de sa famille, de proches ou bien d'amis. Mais sachez que si leur corps est bel et bien ici, leur âmes elles, se trouvent au Soleil et leurs souvenir en nos coeurs.

Voici donc ce que nous dit le Livre des Vertus, à la Fin des Temps, V :

Citation :

Je Lui demandai: “Quand serons-nous jugés? Quelles seront les peines et les récompenses que nous aurons?” Il me répondit: “J’ai décidé, lorsque J’ai fait des humains Mes enfants, de leur faire le plus beau des cadeaux: J’ai fait de tous vos esprits des âmes, vous permettant de gagner le Paradis si vous suivez les enseignements d’Aristote et de Christos, mais vous punissant des Enfers si vous vous détournez du chemin qu’ils ont tracé. Vous êtes en cours de jugement tout au long de votre vie. Chaque pensée, chaque parole et chaque action influent sur Ma décision finale. Lorsque chacun de vous meurt, Je décide de votre destination éternelle. Selon que vous avez été vertueux ou pécheur, vous rejoignez les rangs des élus ou des damnés.”

Je Lui demandai ensuite: “Mais à quoi ressembleront les humains qui accéderont au soleil ou à la lune? Ne serons-nous que de purs esprits? Que deviendront nos corps? Que sont ces anges et ces démons?” Il me répondit: “Le corps ne peut vivre sans l’esprit et l’esprit sans le corps, car J’ai fait de la vie l’union de ces deux états. Lorsqu’un humain accède au Paradis ou à l’Enfer, le corps qu’il avait sur le monde est abandonné pour nourrir la vie et un nouveau corps lui est donné en échange. Celui-ci est à l’image de l’esprit de l’humain: il en représente soit la beauté soit la laideur. Les anges sont ceux qui, par leur sainteté, ont obtenu un corps si parfait qu’ils me secondent dans le soleil. Les démons sont ceux qui ont tant vécu dans l’erreur que leur corps n’est qu’horreur et bestialité.”

Cet extrait nous démontre que, tout au long de notre vie, nous sommes jugés sur nos actes, sur nos pensées. Tous nos faits et gestes sont une sorte de preuve pour le Saint Jugement. Nous nous devons d'être exemplaire et donc, de vivre selon le modèle choisit par Aristote et Christos et établi par le Livre des Vertus de nostre Sainte Mère l'Eglise.

Nous connaissons tous les deux défunts. Ayant toujours vécut pieusement, et dans la vertu. Nous les connaissions aussi comme des personne aimantes, des hommes attachés à de pieuses valeurs, à leur famille, mais surtout à leur Duché, et leur Royaume. Oui, ils nous manqueront beaucoup mais le Créateur les a choisit pour lui qu'ils rejoignent Aristote et Christos, leur épargnant ainsi l'Enfer sur la Lune avec les sept prince-démons. Ils ont rejoint les Archanges au Paradis Solaire. Ainsi, suivez l'exemple de sa vie pour accéder vous aussi, au Paradis.

Etre un esprit/ectoplasme/fantôme/revenant invisible (rayer les mentions inutiles) comportait quelques avantages. Notamment celui de se promener, comme cela, au-dessus des têtes des vivants. Sans qu'ils vous voient, bien sûr. Entrer dans leurs têtes ne faisait sans doute pas partie des prérogatives de ces sortes d'esprits, mais Napo (enfin, l'ex-Napo si vous voulez) n'avait pas encore lu le mode d'emploi en japonais qu'on lui avait remis lorsqu'il était venu sonner chez Saint Pierre.

Même au Paradis, ça sous-traite.

Napo avait hésité à venir. Tout de même, assister à ses funérailles avait quelque chose d'irrationnel, d'indécent presque. Mais la curiosité l'avait emporté. Après tout, on imagine souvent, quand on a encore un corps matériel, comment ses propres funérailles se dérouleraient. Qui viendrait, qui se débinerait, comment serait la déco et qu'y aurait-il à boire.

Oks avait toujours eu des talents d'organisatrice hors-pair. Malgré l'évènement un peu particulier, Napo (enfin l'ex-Napo mais laissons là ces détails bassement matériels) ne doutait pas qu'elle se surpasserait. Quoique la déco était un peu tristoune. Mais peut-être jugeait-on différemment la chose, quand on était physiquement entre quatre planches ?

Les invités arrivaient au compte-gouttes. Napo scrutait avec curiosité les visages attristés ou simplement ennuyés de ceux qui avaient fait le déplacement.
Il n'avait guère eu de proches durant sa vie terrestre. Ou en tout cas, trop peu qui lui avaient survécu. Il s'en rendait compte désormais. Ne jamais mourir trop tard, car tous pensent ainsi : "pourquoi aller à son enterrement puisqu'il ne viendra plus au mien ?"
Mais Napo n'avait pas de rancune. Il se réjouissait (si si, les trucs du genre de Napo ont encore des émotions, en tout cas c'était le modèle que Napo avait choisi au magasin) de revoir quelques visages.

Gwenhwyvar... A l'orthographe du nom si alambiquée. A propos d'orthographe, il se souvenait encore de cette fois où il avait réprimandé à la mairie de Langres un jeunot pour son élocution difficile et sa grammaire hachée... Et Gwen de le reprendre juste après pour une faute qu'il avait lui-même commise ! C'était bien Gwen ça... Il l'avait mieux connu dans sa jeune époque, surtout à Avalon. Alors qu'il était langrois et c'est tout. Adjoint au commerce, puis, longtemps après, maire. Sans doute les titres les avaient-ils éloigné. Pourtant, il avait songé, à une époque, à approfondir cette relation... Mais il y avait eu Oksana. Et de toute façon, il ne savait pas quels avaient pu être les sentiments de Gwen à son égard.

Et puis Darka... Au nombre innombrable de mandats à Troyes. Il avait pu s'en rendre compte, alors qu'il apportait sa pierre à l'édifice d'archivage chez le Baron Rekkared... Et à la dévotion si remarquée, tant au niveau local que ducal. Et les chaussons !

Puis beaucoup de figures inconnues, pour qui il avait une curiosité intriguée, sinon une indifférence polie quant à la raison de leur venue ici.

Et puis Beeky aussi... A l'allure aussi alambiquée que le discours, et à la foi des plus démonstratives. Dommage pour son vieux françois, on risquait de ne guère parler lors de cette cérémonie. Il l'avait bien aimée tout de même, quoiqu'elle ait des manies un peu fatigantes.

Beaucoup d'armoiries avaient changé. Napo éprouvait une curiosité maladive envers cette terrasse étrange qui avait fait son apparition sur le blason de Gwen. Il se demandait également où Beeky avait été chercher tous ces nouveaux quartiers. Héraldique, quand tu nous tiens... Il se demandait si Maltea était toujours Héraut. Il n'avait plus gère suivi les actualités après avoir quitté ses fonctions à la Chapelle Saint Antoine. Une longue agonie, sociale en tout cas, avait suivi.

Bref, peu de monde, et il y en aurait sans doute eu encore moins si Masterj n'avait pas été là.

"Pauvre Master. Ainsi j'ai tenu un peu plus longtemps que toi ? Nous étions bien jeunots quand nous nous sommes connus, et je ne devais guère avoir plus de poil à la barbe que toi. Et dire que nous allons reposer ensemble côte à côte pour l'éternité ! J'espère qu'Oks aura la bonne idée de mettre un tonneau de Guinness entre nos cercueils."


La cérémonie promettait d'être des plus ennuyeuses. Napo aurait bien aimé avoir de la compagnie, discuter de tout cela un peu. Si seulement Masterj était là... On devait sûrement pouvoir discuter, entre morts.

Napo tourna la tête (enfin, la tête... bref) et aperçut Oksana.
Il se rendit compte qu'il n'avait pas encore eu une seule pensée pour elle jusqu'à présent. Il réfléchit un instant et se félicita d'être mort. Si elle avait su le peu de cas qu'il semblait faire d'elle... Et Aristote savait que ce n'était pas le cas pourtant ! Il ne pensa même pas à revenir sur la longue et sinueuse histoire de leur relation. Il était triste. Pas triste d'être séparé d'elle, puisqu'il était là, si près. Mais triste de la voir elle-même affectée, paraissant retenir ses larmes.
Elle n'avait pas vieilli, elle était toujours aussi belle... Napo ne put s'empêcher de faire un saut en esprit au CEC, du temps où il venait juste d'acquérir son grade d'avare débonnaire, en tant que Bailli. Un sourire apparut sur son visage en se remémorant ces heures insouciantes.

Il s'approcha un peu plus d'elle, il voyait désormais distinctement chaque trait de son visage. Qu'elle était belle en blanc... C'aurait sans doute du être sa robe de mariage, sans ce voile. Napo eut un sourire amer. A cela il ne voulait plus penser. Il chassa cette pensée et reporta son attention sur elle. Il se rendit compte qu'il n'avait plus eu de nouvelles de Bourmont depuis bien longtemps, à cette époque où il s'était retiré du monde, semblant vouloir oublier tout cela.

Il aurait aimé passer ses bras autour de sa taille, la serrer contre lui en posant sa tête contre son épaule pour lui chuchoter des mots apaisants, lui expliquer, comme le faisait si bien le prélat (Aristote ! Pourquoi Lodovicus n'avait-il pas attendu sa mort pour célébrer enfin une cérémonie pour lui ?) que finalement, la mort n'était qu'un passage peu agréable, mais aux conséquences étonnantes.
Si seulement il pouvait lui parler, la rassurer sur leur relation, lui affirmer que Masterj et lui resteraient malgré tout près d'elle...

Où était ce fichu manuel ? Est-ce qu'il n'y avait pas un mode de communication avec les mortels ?

Hum... Il aurait sûrement fallu un "le japonais pour les nuls" également.

Pas de "pouf pouf".

Le bon Eusèbe n'avait guère le coeur à ses sautillements habituels. Il avait quitté Bourmont avec son maître pour s'occuper de lui, dans sa propriété de Choiseul. Il n'avait jamais su ce qu'avait Napo. En tout cas ça ne ressemblait pas à une maladie qu'il connaissait. Ca le rongeait plutôt de l'intérieur. Un dégoût, une déception, des remords peut-être ? Un poison plus sûr que tous ceux du meilleur herboriste...

Eusèbe était parti quand Napo avait expiré. Il était revenu trop tard, les bras chargés de courses qui n'avaient pas manqué de s'écraser par terre quand il avait reconnu le Baron dans cet état...

Et maintenant il était là. Lui, Le majordome devenu homme à tout faire du Baron... Peut-être serait-il devenu écuyer si Napo avait continué à se manifester avec plus de fougue sur les champs de bataille ? Mais Napo s'était reclus, s'employant à lire, à écrire et surtout à réfléchir... C'était comme Eusèbe disait.

"Quand ça cogite trop là haut, c'est qu'il y a un problème."

Phrase des plus philosophiques s'il en était. Et pourtant, il était persuadé d'avoir raison.

Il ne portait pas le cercueil. Il n'aurait pas pu. Il chouinait silencieusement, se rattachant de désespoir à son mouchoir.

"Mon maître, mon bon maître... Vous parti, que vais-je devenir dans ce monde hostile ?"

Il se perdit dans ses pensées, se remémorant sa première rencontre avec le Baron - l'était-il déjà à l'époque ? - alors qu'il était en fâcheuse posture. Il pleurnicha de plus belle.