Quand des Hommes d'Honneur rejoignent le Très haut

Fantome Nombre de messages : 1212 Date d'inscription : 02/08/2007

Il y avait un paquet de fantômes dans cette chapelle, n'est-il pas ?
Tandis que Napo tentait de communiquer, une femme en robe rouge s'installa non loin de lui, nonchalante, regardant la scène. Depuis combien de temps était-elle en sursis celle-ci ? Nul le savait, probablement qu'elle non plus. Elle tenait trop à veiller sur sa progéniture pour envisager une éternité loin d'eux. Chose ironique, du fait que durant son vivant, elle n'avait finalement pas tellement passé de temps avec eux.

J'ai déjà essayé, tu perds ton temps.
Du moins cette méthode là ne marche pas...

Un soupir de la Vicomtesse défunte, tandis qu'elle quittait son perchoir pour tapoter gentiment l'épaule de Napo.

J'ai vu MasterJ, il est en train de cuver la biture qu'il s'est faite pour sa mort.

Les yeux indigo se reportèrent sur Oksana.

C'est toujours douloureux, la première fois, mais on s'y habitue. On a l'éternité pour cela.

Que chacun des amis proches des deux défunts viennent ici, afin de venir porter les cercueils et de les conduire en procession jusqu'au cimetière.

Un soubresaut. Son cauchemar se terminait. Il était là, il la tenait par les épaules. Et puis non. Déception. Ce n'était pas la bonne voix. Il s'agissait de Kelso. Le rêve était déjà terminé. Dur retour à la réalité malgré quelques mots de réconfort chuchotés doucement.

Supportée par son chef de garde, la Vicomtesse se releva doucement, les yeux embués. Il fallait tenir, il avait raison. Pour eux, pour ceux qui restaient, pour elle. Tandis qu'elle attendait d'accompagner les cercueils pour la dernière fois, elle les regarda, le cœur transpercé de par en part de lames aussi coupantes que des dagues que l'on venait tout juste d'aiguiser. Jamais encore elle n'avait eu aussi mal de son existence. Pas même le jour où le garde du château de Reims ne l'avait pas reconnue et qu'il l'avait lacérée. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il existait des douleurs plus puissantes que celle qu'elle avait ressentie ce jour là.

Ses yeux se reportèrent sur les deux tonneaux. Elle aurait aimé pour en rire, mais c'était au dessus de ses forces. Le visage fermé, la bouche crispée, elle ne pouvait même pas envisager esquisser le moindre rictus. Elle savait pourtant qu'elle allait devoir parler. Elle le voulait. Elle désirait leur rendre un dernier hommage public. Ah si Ylalang était là ! Elle l'aurait comprise elle. Elle était passée par là. Elle était forte. Elle avait toujours eu les mots les plus justes pour elle. Désormais, Napo et MasterJ l'avaient rejointe.

Atto, Kurt, Andreia, Gnom, Inca, Hurricane, Pisan... Tant de noms qui avaient traversés sa vie et qui s'étaient enfuis. Ils étaient tous réunis désormais. Ailleurs. Ne vaudrait-il pas mieux qu'elle aille les rejoindre ? Pourquoi n'en avait-elle pas encore le droit, elle ?

Il y avait un côté... ironique dans le fait d'assister à sa propre cérémonie d'enterrement. Au début de celle-ci, Napo ne se départissait pas de son petit sourire sarcastique. La mort, oui. C'était un fait, mais passé. Pourquoi toujours y revenir ? Il était facile pour lui de se détacher de ces contraintes intellectuelles bassement terrestres. Et de railler intérieurement l'attitude de celle-ci ou l'absence de celui-là. Pourquoi s'en faire, puisque tout était achevé ?

Mais par dessus cet état d'esprit parvenaient toujours les émotions. Et lesquelles, plus que celles d'Oksana pouvaient encore faire effet sur le défunt pourtant bien présent ? C'était un véritable déchirement intérieur pour lui que de constater la torture morale que subissait Oksana. Il n'aurait sans doute pas du comprendre, puisqu'il voyait les choses sous un angle tout différent désormais. Mais ce hurlement de douleur le ramenait un peu à la conception terrestre de la mort, ne serait-ce que pour un court instant.

Napo était encore sous le choc des sentiments d'Oksana, hésitant à parcourir de plus belle ce fichu manuel mal traduit pour la consoler de son mieux, ou à quitter les lieux pour abréger ce tiraillement intérieur... Lorsque Yla survint.

"Yla ? Tu... J'avoue que j'ignorais ta mort ! Pardonne-moi, je n'étais plus trop au fait de l'actualité, je... Mais tu ne t'en tires pas trop mal ! Physiquement je veux dire. Pardon, je... m'embrouille un peu. J'avoue que je ne sais pas trop si je dois te présenter mes condoléances ou me réjouir de te revoir. Enfin, cela fait si longtemps...

Napo faillit lui demander des nouvelles de ses enfants. Réflexe tout humain, qui avait encore un sens ici-haut, pourtant. Il constata avec déception que la mémoire ne s'était pas arrangée. Melani devait être mort... Sa vicomté était bien Beaurepaire et la sienne... A... Avize, oui. Le temps de l'héraldique était loin...
Napo se retourna soudain, il s'en voulut d'avoir oublié Oksana en un tel moment. Un personnage qu'il avait sans dote déjà vu était maintenant penché sur elle. Cela ne lui aurait guère plu en des temps peu lointains, mais il n'avait vraiment pas le coeur à cela.

Les cercueils se soulevèrent. Seuls ? Portés ? Par qui ? Elle était incapable de le dire. La vue brouillée, des milliers de marteaux dans la tête, des rats qui lui grignotaient le cœur, elle se laissa porter par Kelso plus que ce qu'elle marcha. Elle suivait machinalement ce qui était officiellement la dernière demeure de ces hommes merveilleux qui l'avaient accompagnée durant toutes ces années. Quel jour était-il ? Quel temps faisait-il ? Elle l'ignorait. Tout était devenu intemporel autour d'elle. Elle ne distinguait plus les visages. Elle ne voyait plus les arbres. Il n'y avait plus de couleur, plus de bruits, plus d'odeurs. Tout était néant, vide, inexistant.

Elle distingua le trou. Le trou béant où les deux cercueils commençaient à descendre doucement. Elle envisagea de les rejoindre. De se laisser glisser dans ce grand trou où elle aurait une place. Entre les deux. Elle n'aurait aucune difficulté à se trouver une place. Pas davantage qu'à ne pas se retenir tant ses jambes avaient du mal à la supporter.

» Moi quand j'arrive, on me voit.
» [rp]Quand les harpies ne sont pas loin.